• Croyances et destinées: de la maya infernale à la divine leela

    Parmi et derrière tous ces "dieux", ces autorités, qui déterminent nos choix et modèlent nos destinées, des croyances se dissimulent. Elles sont souvent inconscientes et d'autant plus redoutables. Il faudrait parfois aller vivre dans un univers mental très éloigné du nôtre (comme chez les Aborigènes) pour se rendre compte de toutes les croyances culturelles que nous entretenons inconsciemment en les confondant avec des évidences, des données en soi de la nature et de la vie.

    Nous vivons dans un océan de croyances illusoires (maya) qui conditionnent notre regard sur nous-mêmes, nos semblables et sur la vie. La plupart sont négatives, au sens ou ce sont des projections sur ce qui est qui nous limitent et nous coupent de notre ressenti authentique et de notre pouvoir créateur. Elles formattent nos pensées et suscitent des réponses automatiques aux sollicitations de la vie. Les croyances étant toutes peu ou prou limitatives et obscurantistes, il n''y a pas rigoureusement parlant de croyances positives. Toutefois, certaines croyances sont de bons substituts transitoires, servant d'antidote à d'autres plus nocives et de supports structurants ayant le pouvoir de nous ouvrir à la vraie lumière: la connaissance vivante, véritable source et gardienne de notre espace de liberté créatrice.

    Examinons quelques-unes des croyances les plus déterminantes car influençant notablement la qualité de notre vie intérieure, notre destin individuel et notre façon d'organiser nos sociétés.

    Croyance no.1 : je suis ce corps périssable

    Croyance no.2 : il faut se battre pour réussir

    Croyance no.3 : la connaissance vient de l'extérieur

    Croyance no.4 : il faut atteindre pour être


    1. Je suis ce corps périssable

    Lorsque l'âme immortelle, "étincelle" de conscience universelle, s'incarne dans un corps matériel, elle tend à oublier son essence et sa nature transcendantales. Cela est particulièrement vrai lorsque le nouveau né arrive dans un milieu social s'étant lui-même perdu dans l'identification corporelle, ce qui est presque systématiquement le cas... Les convictions profondes de notre entourage, et notamment de nos parents, deviennent les nôtres; nous sommes formatés par leurs regards - qu'ils posent sur nous comme sur toute chose de la vie.

    Cette identification - aussi fallacieuse qu'elle puisse être - devient le fondement de nos objectifs de vie et de nos comportements. Elle nous faire croire que nous sommes séparés les uns des autres, chacun affairé à la survie précaire de ce "moi corporel" et à son succès dans la vie - quite à ce que ce soit au détriment des autres ou de notre environnement. En clair, cette identification au corps est à l'origine du stress qui ronge les âmes et génère toutes sortes de souffrances et de maladies. Elle est aussi la racine de l'égocentrisme et de l'égoïsme qui minent nos sociétés, se traduisant par toutes sortes de d'abus, de violences, d'isolements, de manipulations, d'indifférence, de mépris, d'incompréhensions, de rejets... Elle est de fait le grand piège de la différentiation de l'Etre en de multiples fragments de lui-même: si cette différentiation permet toute la richesse de la vie multicolore, l'apparente séparation entre les âmes et avec la vie, créée par l'identification au corps, est le germe de toutes les souffrances. Réaliser que nous sommes étincelles de l'éternel vivant se manifestant à travers une expression corporelle temporaire - qui fera suite à d'autres plus adaptées à notre prochain niveau de conscience - en est le remède.


    2. Il faut se battre pour réussir

    Cette croyance est issue de la première: premièrement, en nous croyant tous séparés, nous nous confrontons aux intérêts divergents voire concurrents de nos semblables, comme de ceux des autres espèces vivantes, végétales et animales. Deuxièmement, si nous sommes séparés de la vie elle-même, son intérêt et le nôtre risquent bien de ne pas coïncider. Notre vie devient alors un combat - contre les éléments, contre nos adversaires et contre nos concurrents - pour attirer à nous les circonstances jugées favorables à notre bonheur durable. Pourtant, l'expérience montre que la réussite réelle - celle qui nous comble et nous remplit de gratitude - n'advient qu'en étant nous-mêmes - en suivant notre coeur et notre nature innocemment - et en laissant faire la vie...


    3. La connaissance vient de l'extérieur

    Coupés de notre vérité qui est d'être un fragment de la conscience universelle, nous partons en quête de savoirs qui nous donnent le pouvoir sur lequel construire et consolider notre avoir. Nous accumulons les connaissances et les savoir-faires afin de mieux maîtriser un environnement social et naturel plus ou moins indifférent à notre bonheur quand il n'est pas hostile. Et si, au fond, toute connaissance utile à l'instant nous était donnée d'une manière ou d'une autre par la vie, sans qu'il soit nécessaire ni même utile de courir après ? Cela semble bel et bien être l'expérience des êtres spirituellement réalisés: sans chercher quoi que ce soit, tout ce qui leur permet de remplir leur rôle béni dans la joie leur est donné - soit soufflé de l'intérieur, soit transmis par leur environnement social ou naturel. La vie éclaire et sert de mille et une manières celui ou celle qui a choisi de retrouver son rôle naturel de fragment d'une vitalité organique et unifiée.


    4. Il faut atteindre pour être

    Nous croyant posés là comme de misérables créatures soumises à toutes sortes de défis et de dangers, nous nous lançons dans une quête insatiable d'une plénitude fondée sur notre devenir et notre faire. "Qui n'avance pas recule" dit le dicton. Nous voilà contraints de courir pour ne pas péricliter, à accumuler des activités qui sont sensées nous rapprocher d'une paix intérieure qui n'a de cesse de nous échapper. Pourtant, la plénitude tant recherchée nous trouve d'elle-même lorsque, las de nos efforts vains, nous lâchons-prise et accueillons pleinement dans notre coeur la globalité de notre vécu. Nous réalisons alors que la plénitude est notre état naturel, une vérité qui nous était seulement inaccessible parce que recouverte par une croyance que quelque chose manque ou "cloche".


    Nous pourrions sans doute continuer longtemps cette énumération de croyances délétères fondées sur l'illusion de la séparation, et qui forment ce qu'on appelle communément le mental (ou mental inférieur). Ce mental forme une sorte d'écran plus ou moins opaque entre notre conscience incarnée et la lumière de notre âme, un peu comme les nuages du ciel nous empêchent de voir le soleil.

    Ces croyances vont induires des paroles, des comportements et des actes - en nous et dans les réactions de notre entourage - qui vont façonner nos vies en créant un cauchemar plus ou moins copieux suivant le degré d'hypnotisation matérielle auquel nous avons succombé.

    Fondées sur la séparation due à l'identification à un corps mortel, ces croyances ont toutes un point commun: l'idée qu'il y a un problème; que la vie EST fondamentalement problématique, faite d'une succession de problèmes... Pourtant, à la lumière de l'âme, la vie - AVEC ses défis infinis - n'est plus qu'un jeu (leela divine). Un jeu qui peut être arbitrairement complexe et difficile suivant nos désirs d'expérience, mais qui reste un jeu parce que nous savons alors que tout ce qui nous sépare de la plénitude de l'Être et de la vie est illusoire, apparent - sans fondement ni réalité. Ce n'est que du cinéma divin, un divertissement potentiellement exquis pour tous les fragments de la conscience universelle. Deuxièmement, la (re)connaissance de l'unité de tous les êtres et phénomènes nous révèle que la vie est une réalité... vivante, douée d'une conscience et d'une intelligence propre. Nous vivons en elle et par elle - et nous pouvons nous appuyer sur elle pour trouver des réponses lumineuses à tous les défis de l'existence. Plus nous nous abandonnons à son omniprésente et bienveillante intelligence, plus notre existence devient fluide, légère et "syncronique", car nous retrouvons par cette reliance et ce lâcher-prise notre rôle naturel et organique dans la symphonie universelle.

    Par conséquent, pour transformer le cauchemar de notre expérience matérielle en un rêve paradisiaque fondée sur la (re)connaissance spirituelle, il faut remettre en question ce corpus de croyances appelé mental afin de laisser passer la lumière de la conscience vivante à travers nos coeurs. Après nous avoir préalablement nettoyés de nos contractions, contradictions et négativités, la lumière nous comblera de la plénitude de l'âme ; enfin, elle nous inspirera une infinie variété de divertissements sacrés, célébrations sans limites de la beauté de l'unité dans la diversité et de la richesse de la diversité dans l'unité.




    Ce qui nous restreint et nous empêche encore de vivre la joie profonde de l’existence est une confusion ; or, la confusion ne peut être levée que par une prise de conscience, une prise de conscience bouleversante, une clarté qui brûle l’inutile. Quand on ne demande plus rien aux situations de la vie, l’action devient une célébration étonnée. La véritable tranquillité monte en nous et la puissance de l’émotion fondamentale de la vie se libère par une écoute humble et joyeuse. La possibilité est là pour tous de demeurer avec ce qui en nous est réel, la Lumière du cœur, celle qu’ont célébrée les traditions spirituelles authentiques du monde.

    Jean Bouchart d'Orval


    Croyances et destinées